Le Monde - 15.05.2012 (com assinatura)
Crise : le cinéma portugais en première ligne
Au Portugal, les cinéastes tournent... leurs pouces, à défaut de pouvoir tourner un film. Les caisses sont vides. Le signe ne trompe pas : en 2012, l'Institut du cinéma et de l'audiovisuel - l'ICA, l'équivalent du Centre national du cinéma en France - n'a pas réuni de commission en vue de soutenir de nouveaux projets.
Ce n'est pas faute de talents : le Portugal est peuplé de grands cinéastes, dont les figures historiques sont Manoel de Oliveira, 103 ans, toujours actif, et Joao Cesar Monteiro, mort le 3 février 2003, et la nouvelle génération a conquis la critique internationale et accumule les prix dans les plus grands festivals : Miguel Gomes (Ce cher mois d'août, Tabu), Joao Pedro Rodrigues (Odete, Mourir comme un homme), Sandro Aguilar, cinéaste expérimental, Joao Botelho, Joao Canijo... sans compter deux autres "Joao", plus jeunes, Nicolau (37 ans) et Salaviza (28 ans) - ce dernier a reçu la Palme d'or du court-métrage à Cannes, en 2009, avec Arena, puis l'Ours d'or cette année à Berlin pour un autre court, Rafa. (...)
Tous ces réalisateurs, mais aussi des producteurs, des directeurs de festivals, de ciné-clubs, au total 1 500 personnes viennent de signer une pétition en forme d'"ultimatum" au gouvernement, dénonçant la "situation dramatique" d'un cinéma laissé "à l'abandon"."Tout soutien a été coupé, l'Institut du cinéma est en rupture financière totale (...). La production est paralysée, ainsi que les soutiens à la distribution, aux festivals, aux ciné-clubs. La plupart des entreprises de production sont sur le point de fermer leurs portes, envoyant des milliers de gens au chômage", écrivent les signataires.
Une loi, en cours d'élaboration, vise à soutenir la production et à conforter les moyens de l'Institut du cinéma. Mais le texte tarde à voir le jour, les signataires s'impatientent et réclament une "mesure de secours" pour l'ICA. (...) Cela fait plusieurs années que la profession est menacée, et se mobilise. Depuis le milieu des années 1980, l'ICA est financé par une taxe de 4 % assise sur la publicité des chaînes de télévision. (...)
Depuis l'arrivée de la droite au pouvoir, à l'issue des législatives de juin 2011, il n'y a plus de ministère de la culture au Portugal, mais un simple secrétariat d'Etat : confié à l'écrivain Francisco José Viegas, ce portefeuille est rattaché au premier ministre. La culture n'a pas échappé au plan d'austérité budgétaire qui sévit à l'échelle du pays et, au-delà du cinéma, les coupes dans le spectacle vivant s'élèvent à 38 % pour la période 2009-2012. (...)
Joint par téléphone, Manoel de Oliveira lance cet avertissement : "Le cinéma portugais a toujours connu des difficultés. Mais, aujourd'hui, il risque de s'effondrer. Sur le plan esthétique et technique, il est pourtant irremplaçable. " Sa fille, Adélaïde Trêpa, qui assure la traduction, précise : "Notez bien, il a dit : "La culture, c'est ce qui reste après que tout a disparu"."
Ce n'est pas faute de talents : le Portugal est peuplé de grands cinéastes, dont les figures historiques sont Manoel de Oliveira, 103 ans, toujours actif, et Joao Cesar Monteiro, mort le 3 février 2003, et la nouvelle génération a conquis la critique internationale et accumule les prix dans les plus grands festivals : Miguel Gomes (Ce cher mois d'août, Tabu), Joao Pedro Rodrigues (Odete, Mourir comme un homme), Sandro Aguilar, cinéaste expérimental, Joao Botelho, Joao Canijo... sans compter deux autres "Joao", plus jeunes, Nicolau (37 ans) et Salaviza (28 ans) - ce dernier a reçu la Palme d'or du court-métrage à Cannes, en 2009, avec Arena, puis l'Ours d'or cette année à Berlin pour un autre court, Rafa. (...)
Tous ces réalisateurs, mais aussi des producteurs, des directeurs de festivals, de ciné-clubs, au total 1 500 personnes viennent de signer une pétition en forme d'"ultimatum" au gouvernement, dénonçant la "situation dramatique" d'un cinéma laissé "à l'abandon"."Tout soutien a été coupé, l'Institut du cinéma est en rupture financière totale (...). La production est paralysée, ainsi que les soutiens à la distribution, aux festivals, aux ciné-clubs. La plupart des entreprises de production sont sur le point de fermer leurs portes, envoyant des milliers de gens au chômage", écrivent les signataires.
Une loi, en cours d'élaboration, vise à soutenir la production et à conforter les moyens de l'Institut du cinéma. Mais le texte tarde à voir le jour, les signataires s'impatientent et réclament une "mesure de secours" pour l'ICA. (...) Cela fait plusieurs années que la profession est menacée, et se mobilise. Depuis le milieu des années 1980, l'ICA est financé par une taxe de 4 % assise sur la publicité des chaînes de télévision. (...)
Depuis l'arrivée de la droite au pouvoir, à l'issue des législatives de juin 2011, il n'y a plus de ministère de la culture au Portugal, mais un simple secrétariat d'Etat : confié à l'écrivain Francisco José Viegas, ce portefeuille est rattaché au premier ministre. La culture n'a pas échappé au plan d'austérité budgétaire qui sévit à l'échelle du pays et, au-delà du cinéma, les coupes dans le spectacle vivant s'élèvent à 38 % pour la période 2009-2012. (...)
Joint par téléphone, Manoel de Oliveira lance cet avertissement : "Le cinéma portugais a toujours connu des difficultés. Mais, aujourd'hui, il risque de s'effondrer. Sur le plan esthétique et technique, il est pourtant irremplaçable. " Sa fille, Adélaïde Trêpa, qui assure la traduction, précise : "Notez bien, il a dit : "La culture, c'est ce qui reste après que tout a disparu"."
Clarisse Fabre